Fêtes et Célébrations Flamandes aux 16e et 17e siècles


Document rédigé à partir du dossier de presse

Les fêtes flamandes ne manquent pas d’évoquer dans nos imaginaires de fantasques scènes de bombance, telles que les peintres Pierre Bruegel ou Jacques Jordaens ont pu les immortaliser. Les personnages y dansent, jouent de la musique, boivent et goûtent pleinement aux plaisirs de la vie. Si les fêtes de cette région sont habituellement perçues comme synonymes de débordements grinçants et autres truculences folkloriques, elles révèlent pourtant une structure sociale variée et mouvante, sur un fond irréductible de guerre.

Durant la période 1550-1650, l’Europe est en effet en guerre perpétuelle, entre discordes religieuses et rivalités politiques. La fête est une réponse à cette situation. Aux XVIe et XVIIe siècles, les Pays-Bas de l’époque sont touchés régulièrement par des épidémies et endurent la Guerre de Quatre-Vingts ans (1568-1648). Crises, peste, famine, massacres, sièges de villes, destructions de villages, pillages et attaques, combats entre paysans et soldatesque. Rares sont les générations qui au cours de leur existence n’ont pas dû affronter ce type de danger.

Si tous les villages n’ont pas été le théâtre de combats, la plupart ont subi le passage, voire l’hébergement de troupes qui réquisitionnent, pillent, incendient. La fête devient alors un exutoire indispensable qui rompt non seulement la monotonie de l’activité laborieuse, mais qui aide aussi à supporter les assauts des calamités et des maladies. La représentation d’une attaque est parfois associée avec celle d’une fête villageoise. Celle-ci incarne alors une accalmie, voire la paix retrouvée. Fête exutoire donc, mais tout autant fête régulatrice, car l’art qui se déploie à l’occasion des fêtes illustre la construction d’un espace de paix, éphémère mais récurrent.

Pieter Bruegel l’Ancien, Les Mendiants, 1568 (Louvre) © GrandPalaisRmn (Musée du Louvre) / Tony Querrec

Les fêtes répondent à deux impératifs: constituer un moment de sociabilité visant à créer et à entretenir un sentiment d’appartenance à une communauté, et offrir une manifestation de réjouissances. Et c’est précisément sous le prisme du divertissement collectif — codifié, contenu ou débridé — que se construit cette exposition. La période est très riche, les fêtes ayant offert à l’imagination des contemporains des pistes variées d’exploration, par exemple les fêtes solennelles et urbaines, ou les kermesses et fêtes des rois, occasions de joyeuses tablées. Pour la première fois, le thème des fêtes et célébrations flamandes est ainsi abordé sous l’angle complexe de leur diversité, mais aussi de leur sens profond, et de leur rôle essentiel.

Thomas van Apshoven, Fête de village avec joueur de cornemuse sur un tonneau, non daté, (Lille, PBA) © GrandPalaisRmn (PBA, Lille) / Hervé Lewandowski

Mais faire la fête est aussi une réaction vitale: faire la fête revient à faire société, à réunir ensemble une population qui s’unit dans sa mixité, hommes et femmes, enfants, vieillards, ainsi que mendiants et puissants. Cette vertu fédératrice donne également sa dimension politique où la ville et sa population entière se mobilisent pour exprimer l’identité et la vitalité de la cité. Pour accueillir le prince, la ville n’hésite pas à mettre en scène des cérémonies grandioses avec d’immenses décors — dessinés entre autres par Rubens. Ainsi les Joyeuses Entrées et les réceptions princières, les fêtes religieuses, l’Ommegang et le concours de tir à l’oiseau des corporations dites militaires, auxquels le prince ou son représentant était régulièrement invité. Tous ces événements témoignent à des degrés divers d’une perméabilité entre sacré et profane et d’un mélange des genres, du solennel au pur divertissement.

Antoon Sallaert, L’infante Isabelle abattant l’oiseau au tir du Grand Serment des Arbalétriers, 1615 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo J. Geleyns

À l’époque, l’État spectacle puise en effet abondamment dans les coutumes locales, faisant des solennités un véhicule de négociation entre les différents niveaux d’autorité. De son côté, l’image des fêtes populaires, d’ordinaire situées dans le milieu paysan, relève souvent de la farce à une période où la bourgeoisie citadine cherche à se distinguer. Certaines peintures montrent d’ailleurs des scènes de théâtre en plein air. De même, les très nombreuses illustrations de beuverie pendant la fête invitent à la tempérance, dans une société où la boisson domine de nombreuses formes de sociabilité.

À la fin du XVIe siècle, la lutte conjointe menée par l’État et l’Église contre les excès liés aux fêtes s’accentue d’ailleurs nettement, et les régulations et les édits répressifs à cet égard se multiplient. Le processus de civilité est alors en plein essor, ce que reflète aussi l’iconographie festive. Cette évolution n’empêche pas l’élément ludique et divertissant de persister.

Pierre Brueghel le Jeune, Kermesse avec théâtre et procession, non daté © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo J. Geleyns

La présente exposition aborde le thème des fêtes et célébrations flamandes des XVIe et XVIIe siècles sous un angle totalement inédit, qui permet de les saisir par contraste avec le contexte historique où elles ont éclos, et d’en établir une taxinomie: fêtes en ville, dans les campagnes, ou fêtes des rois. Ces fêtes sont aussi l’incarnation d’un état d’esprit, d’une philosophie de vie pourrait-on dire, qui est encore aujourd’hui vivace dans tout ce bassin culturel des anciens Pays-Bas où se pratiquent toujours les kermesses, les ducasses, et les sorties de géants. Elles renvoient à un patrimoine immatériel, et à un mode de vie bien particulier, marqueur de l’identité du territoire, qui est nourrie de valeurs précieuses, telles que la mixité, le vivre-ensemble ou le sens du collectif.

Jordaens, Le Roi boit , 1640 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo J. Geleyns

Cette exposition, d’une richesse exceptionnelle, rassemble près de 100 peintures, gravures, dessins, instruments de musique et céramiques, provenant majoritairement d’institutions belges et françaises, parmi lesquelles les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, le Musée du Louvre et d’autres musées internationaux. Elle ravira le public soucieux de connaître les racines et le patrimoine culturel de nos régions.

Fêtes et Célébrations Flamandes, Brueghel, Rubens, Jordaens…
Palais des Beaux-Arts de Lille
Place de la République, F 59000 Lille
Du 26.04 au 31.08.2025
Ouvert le lundi de 14 à 18h
Du mercredi au dimanche de 10 à 18h
Fermé le mardi
https://pba.lille.fr/fetes-et-celebrations-flamandes-brueghel-rubens-jordaens

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3 réponses à “Fêtes et Célébrations Flamandes aux 16e et 17e siècles”

  1. C’est la Belgique qu’on aime. Celle des zinneke qui se fichent des cloisonnements rigides et possède un sens créatif audacieux, foutraque parfois, mais qui épate nos voisins trop nombrilistes et prétentieux. Elle pourrait être vraiment sympa si sa gestion politique n’était pas aussi calamiteuse, avec ses grandes failles dans la gestion de l’Etat. Certes, nous avons eu, et regorgeons encore de grands créateurs, à la pelle même, mais cela ne peut pas servir d’alibi ni d’excuse.

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