Victoria Calleja: une forme sans bords et sans limites


Avec les progrès techniques, la traditionnelle technique de l’huile sur toile est devenue l’acrylique sur Dibond. Qu’est-ce que cela change? À première vue, peu de chose par rapport aux anciennes techniques de peinture sur support de bois ou de fresque murale, aux émaux industriels ou à la panoplie quasi infinie des pigments synthétiques. Toutefois, l’avantage de l’acrylique sur Dibond réside en sa luminosité qui soutient la comparaison avec la lumière électrique sourdant de nos écrans, et avec notre environnement dopé aux sensations visuelles toujours plus nombreuses et plus intenses. Il est probable que l’ancienne peinture avait besoin de cette mise à jour si elle veut rester attractive.

Victoria Calleja, Paysage, 2023 © Victoria Calleja

Au moment où l’art abstrait percolait dans le grand public, après la Seconde Guerre mondiale, il était fréquent de publier des vues comme des photos aériennes ou des objets familiers vus en gros plan. L’objectif était de montrer que ces images abstraites ne l’étaient pas tant que cela. Un regard différent — plus moderne, assisté d’un peu de technologie — suffisait à rendre concret, c’est-à-dire représentable, ce qui semblait indéchiffrable aux habitudes du regard commun.

Victoria Calleja, Paysage, 2023 © Victoria Calleja

Ce ne peut être un hasard: ce ‘reset’ technique vers davantage de luminosité incarne un moment de l’œuvre où Victoria Calleja abandonne toute référence à l’humain, voire à l’idée de figuration. Certes, on peut encore y voir des paysages fantasmés, et d’éventuelles réminiscences perçues dans le Chili natal de l’artiste… où imaginées de toutes pièces, ce que l’on appelle des paréidolies comme on en perçoit dans les nuages par exemple. Quoi qu’il en soit, la volonté de voir des représentations où il n’y en a pas — les tableaux étant réalisés sans modèle et le titre éventuel étant ajouté après — prouve le besoin irrépressible des humains à voir des représentations partout. Or, voir de la représentation c’est imaginer du contenu, c’est-à-dire inventer du sens et une possibilité de discours.

Victoria Calleja, Assiette, 2024 © Victoria Calleja

Aux cimaises, les acryliques sur Dibond côtoient des photographies de format circulaire. Le cercle fascine parce qu’il est début et fin, à la fois fini et infini, mobile et immobile. Sa forme ronde évoque les cycles qui règlent nos vies depuis des milliers de générations, et le cercle concrétise ainsi les diverses visions symboliques et métaphysiques que les peuples et les civilisations ont inventées depuis les débuts de l’humanité, partout sur la planète.

Victoria Calleja, Assiette, 2024 © Victoria Calleja

Les surfaces circulaires de ces tondos sont des photographies, des images bien réelles… qui à première vue ne représentent pas grand-chose, et donc laissent le champ libre à l’imagination. Mais l’imagination ne peut inventer qu’à partir de ce qu’elle connaît, elle aussi. Et donc on a pu écrire à partir de l’un de ces tondos que ‘la vérité ne sort plus du puits mais bien de l’assiette dans laquelle un fond d’huile d’olive maculé de vinaigre balsamique devient une éclipse solaire!’. De cet autre tondo on pourrait affirmer y voir le grouillement d’une culture de micro-organismes en laboratoire. Ainsi, l’infiniment grand et l’infiniment petit qui excluent le temps et l’espace de l’humanité se rejoignent dans ces images capturées dans un des lieux les plus humains qui soit: une assiette dans une cuisine.

Victoria Calleja, Assiette, 2024 © Victoria Calleja

L’aube du troisième millénaire a vu en 2001 la publication de L’univers dans une coquille de noix, suite à Une brève histoire du temps, qui sont des vulgarisations des théories scientifiques proposées par Stephen Hawking. Et si une partie de l’art actuel se jouait entre des domaines aussi éloignés que la technologie, la mythologie, la préparation de la nourriture et la physique théorique contemporaine? C’est ce que proposeraient les images de Victoria Calleja.

Victoria Calleja, cimaises de l’exposition Une forme sans bords et sans limites, vue partielle © Victoria Calleja / Galerie Quadri. Photo x

Victoria Calleja: une forme sans bords et sans limites
Galerie Quadri
Avenue Marie-Henriette, 105 – 1190 Bruxelles
Du 13 novembre au 13 décembre 2025
Les vendredis et samedis de 14 à 18h
Ou sur rendez-vous via le 02 640 95 63
quadri.gallery@skynet.be
https://galeriequadri.com

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