Europalia 2023 Géorgie


L’Avant-garde en Géorgie (1900-1936)

L’actualité artistique internationale du moment se déplace à l’Est, avec la guerre en Ukraine, et le Festival Europalia dédié à la Géorgie. Pour suivre sa tradition, Europalia invite un pays afin de découvrir ses richesses culturelles. Outre les œuvres du passé, les expositions, les performances, les concerts, les films, les spectacles de danse, les pièces de théâtre et les rencontres littéraires, le programme s’ancre dans la créativité contemporaine par des créations interdisciplinaires et multiformes, fruits de la collaboration avec des dizaines d’artistes et partenaires culturels. Lucterios rend compte aujourd’hui du contexte de l’exposition présentée par Bozar, intitulée L’Avant-garde en Géorgie (1900-1936).

La Géorgie et ses voisins © Jacques Leclerc 2020 

La Géorgie, république du Caucase, est indépendante depuis 1991, après des siècles d’histoire mouvementée. Elle se trouve sur la côte est de la Mer Noire, entourée de la Turquie, de l’Arménie, de la Russie et sa vassale l’Azerbaïdjan. Les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud ont proclamé unilatéralement leur indépendance en 2008, avec le soutien direct de la Russie, qui avait pourtant garanti l’intégrité du territoire de l’État géorgien. À la croisée de l’Europe de l’Est et de l’Asie de l’Ouest, du Nord et du Sud, la Géorgie fait partie de l’Europe par son histoire, sa culture et ses choix politiques. Ainsi, la république est membre du Conseil de l’Europe, de l’OSCE, et d’Eurocontrol. Elle souhaite rejoindre l’OTAN et l’Union européenne, avec laquelle elle est associée depuis 2014. La Géorgie a déposé officiellement sa candidature à l’Union européenne en 2022. 

Irakli Gamrekeli, Set design for Alfred Hasenclever’s play A Better Master, non daté © Art Palace of Georgia / Museum of Cultural History, Tbilissi 

 

Les peuples de Géorgie sont unifiés une première fois au 11e siècle, par le rassemblement des ethnies qui partagent la même religion et la même culture que l’ancienne Ibérie — nom donné à cette région par les Grecs et les Romains, nom qui remonterait à la racine « fertile ». De tous temps, la Géorgie a été un lieu de rencontres et d’échanges dont elle a nourri sa culture, parce que située aux marges de l’Orient et de l’Occident, et traversée par des voies commerciales liées aux routes de la soie. Ceci en fait l’objet de convoitises de la part des puissances qui l’entourent. En 1917, après bien des vicissitudes, trois pays transcaucasiens, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, s’unissent et refusent de reconnaître l’autorité bolchévique issue de la révolution russe, et proclament leur indépendance. Malgré la reconnaissance et la garantie de cette indépendance par la Russie, l’Armée rouge envahit la Géorgie en 1921, ce qui entraîne des rancœurs et crée un fort sentiment nationaliste. 

Gigo Gabashvili, A Woman with Wings, 1910 © Sh. Amiranashvili State Museum of Fine Arts / Georgian National Museum, Tbilissi 
Kirille Zdanevich, Sketch for the play Maelstrom, 1924 © Art Palace of Georgia / Museum of Cultural History, Tbilissi

Cette annexion de 1921 à 1991 « liquide » la parenthèse enchantée qui n’a duré que quelques années, de 1917 à 1921. Toutefois, ce court moment a permis l’éclosion d’un esprit dont les fruits vont survivre longtemps, comme le feu couve sous la braise malgré des conditions défavorables. En effet, motivés par l’explosion technologique, économique, culturelle et artistique de l’Europe de l’Ouest au début du 20e siècle, et le vent de liberté artistique qui y souffle, les artistes géorgiens développent alors de nouvelles pratiques généreusement tournées vers l’utopie d’un nouveau monde à construire, sans pour autant renoncer aux traditions géorgiennes et aux influences d’Orient et d’Occident. Tous les médias et chaque technique sont explorés, que ce soit la peinture, l’écriture sous toutes ses formes, le cinéma, la danse, la photographie, le théâtre et les performances, les recherches autour du livre dont la typographie, etc. Non contents d’embrayer sur les avant-gardes occidentales qui imaginent le futurisme, le dadaïsme, l’expressionnisme, le cubisme, le néo-symbolisme, les créateurs géorgiens s’arriment aussi au zaoum (la poésie phonique), au toutisme (un design contemporain à partir des ustensiles ménagers traditionnels, par exemple le bois en usage dans les cuisines), au cubo-futurisme qui fait le lien dynamique entre les arts plastiques et l’architecture, et d’autres encore. Cette effervescence créative inédite est bien entendu le signe d’un peuple qui va de l’avant, et les pièces présentées ici sont à considérer comme des interprétations et des propositions inédites à partir de mouvements artistiques nés ailleurs, mais interprétés dans leurs variation locales particulières. 

Petre Otskheli, Sketch for The Flying Painter, non daté © Art Palace of Georgia / Museum of Cultural History, Tbilissi
Irakli Gamrekeli, Set design for Ernst Toller’s Play Masses Man, non daté © Art Palace of Georgia – Museum of Cultural History, Tbilissi


En 1936, Staline ordonne de grandes purges selon la méthode de « pacification » habituelle en Russie: assassinats, déportations et prisons, interdictions de travail… L’idée même d’une avant-garde créatrice se vide de sens, laissant la place à l’art officiel du Réalisme socialiste imposé par la dictature. Malgré cela, où peut-être à cause de cela même, les idées de liberté et de création ne meurent pas, mais se mettent en veille et perdurent à travers les générations. L’esprit novateur refait surface dans les années 1970 et 1989, quand de grandes manifestations populaires sont réprimées avec brutalité par les autorités soviétiques. Deux années plus tard, en 1991, la Géorgie arrache une nouvelle fois son indépendance et renoue avec ce qu’elle a de meilleur et qu’on ne peut lui enlever: l’imagination créatrice. 

Petre Otskheli, The Fire Starters, 1927 © Art Palace of Georgia / Museum of Cultural History, Tbilissi

L’Avant-garde en Géorgie (1900-1936)
Bozar, rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
Du 05.10.2023 au 14.01.2024
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Fermé les 1 et 11 novembre, le 25 décembre et le 1 janvier
www.europalia.eu
https://europalia.eu/fr/europalia-georgia/programme
https://europalia.eu/fr/europalia-georgia/events/lavant-garde-en-georgie-1900-1936

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Une réponse à “Europalia 2023 Géorgie”

  1. Quatre année d’indépendance pour la Géorgie, et puis la domination soviétique. Et derechef, dès 2008, après quelques années de paix « contemporaines » sous Gorbatchev, à nouveau une invasion russe, et le pays amputé: on ne peut mieux décrire la monstruosité, la nocivité totale des machines totalitaires, leur résurgence systémique, malgré leur infamie historique, leurs méfaits connus de tous, la crainte de leur perversité systémique restant désespérément prégnante. En 1921 ce fut donc la grande famine issue de la guerre civile entre russes « blancs et rouges » qui entraîna l’avènement de l’URSS en 1922, donc encore de millions de morts et réfugiés, bref le triomphe du bolchévisme, cad dans la foulée de communisme totalitaire mondial, et encore et toujours des millions de morts supplémentaires dans le monde si on additionne un peu plus tard Hitler et son allié Staline, ( en compétition pour celui qui commettra le plus grand génocide: la shoah nazie contre l’holodomor ukrainien organisé par Khrouchtchev de 1931 à 1933) sans oublier ensuite Mao ( qui déclencha la guerre de Corée, encore quatre millions de morts) et est donc le médaillé d’or dans l’Olympe barbare, avec plus 85 millions de cadavres au total. Et voici qu’en prime l’espoir symbolique suscité par la chute du Mur de Berlin est retombé comme un soufflé : l’Ukraine aujourd’hui, et puis quoi encore après? Ne reste finalement que la créativité, voire le génie des individus libres qui s’expriment dans les espaces d’une liberté toujours davantage menacée, même aujourd’hui dans le camp occidental avec Trump et les Républicains, et l’invasion de l’islamofascisme sauvage. Cela devient donc très exigu et n’augure rien de bon pour l’avenir. Pour respirer un peu, il faut donc se tourner vers le talent individuel de génies, qui, d moins quand on les laissent s’exprimer, sont comme des petites bougies qui illuminent la noirceur ambiante. C’est très peu mais sans cela ce serait le noir absolu. Donc cela fait du bien d’en apercevoir quelques lumières, ça et là. Il y donc en résumé les créateurs individuels face aux destructeurs collectifs. La ratio est désastreux. Mais merci tout de même de mettre en exergue la face à la morgue.

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