Le Rouge-Cloître propose de plonger dans l’univers énigmatique de La Fièvre d’Urbicande imaginé par François Schuiten et Benoît Peeters. Cet album culte a reçu l’Alfred du meilleur album de l’année au Festival BD d’Angoulême de 1985, il y a juste quarante ans.

L’exposition présente les multiples facettes de cette œuvre magistrale où l’architecture, l’urbanisme et la science-fiction se rencontrent pour donner vie à la ville d’Urbicande. Outre les planches classiques, on peut y découvrir des pièces originales prêtées par les auteurs, par la Maison Autrique, et par plusieurs collectionneurs privés. Ces trésors rares et précieux permettent de plonger au cœur de la création de l’album et d’apprécier l’ingéniosité et le talent des auteurs. Elle met également en lumière le travail passionné de Philippe Seynaeve, un collectionneur, qui depuis plusieurs années s’efforce de rassembler tout ce qui se rapporte à l’album. Grâce à ses recherches, il a constitué une archive monumentale de plus de 600 pages. Cette collection exceptionnelle reflète non seulement la richesse de l’univers d’Urbicande, mais aussi l’impact durable de cette œuvre sur ses plus fervents admirateurs.

Une carte blanche signée Joseph le Perdriel et Philippe Seynaeve
Joseph le Perdriel: Philippe Seynaeve, pouvez-vous vous présenter?
Philippe Seynaeve: Bonjour à toutes et tous. J’ai commencé ma carrière artistique assez tôt puisque j’ai entrepris des études secondaires à St-Luc Tournai avant de continuer les études supérieures à La Cambre. À la suite de celles-ci, je suis devenu artiste plasticien et photographe, m’inspirant des architectures et réalisant mes œuvres principalement en noir et blanc. J’apprécie particulièrement de photographier avec des appareils Polaroid, en utilisant, si possible, des films périmés. J’enseigne également depuis 29 ans dans une école d’art à Bruxelles.

JP: Quelle a été votre première rencontre avec Les Cités Obscures?
PS: Dans les années 1980, j’étais abonné au magazine (À Suivre) et c’est à ce moment-là que j’ai découvert les premières parutions de Samaris, d’Urbicande et de La Tour. J’ai été complètement subjugué par l’univers proposé par François Schuiten et Benoît Peeters, que ce soit par les dessins, les scénarios ou l’architecture omniprésente. Depuis cette époque, je collectionne ce qui se rapporte à l’univers des Cités Obscures et j’ai la chance de pouvoir côtoyer les auteurs assez régulièrement.

JP: Quand avez-vous commencé à collectionner La Fièvre d’Urbicande?
PS: Dans les années 2000, pour des raisons personnelles, et à regret, je me suis séparé d’une grande partie de ma collection tout en gardant certaines pièces. Parmi ces pièces, il y a les deux sérigraphies majeures d’Urbicande. En 2019, à l’annonce de la sortie de l’album en couleur, j’ai décidé de reconstituer ma collection, mais cette fois-ci uniquement basée sur l’album. Dans un premier temps, j’ai essayé de retrouver les images dont je m’étais séparé. Ensuite, je me suis donné pour mission d’en trouver d’autres que je n’avais jamais possédées. J’ai eu beaucoup de contacts avec différents collectionneurs qui m’ont beaucoup aidé, dont le site Altaplana bien sûr. François Schuiten m’a offert quelques images et objets pour ma collection, comme un exemplaire de chaque pièce du Service Urbicande. Benoît Peeters a retrouvé dans ses archives un exemplaire de la revue chinoise. J’ai pu par la suite trouver les cinq exemplaires manquants, en Chine.

JP: Pourquoi La Fièvre d’Urbicande?
PS: Cet album fait partie de mes trois albums préférés. Mes études à La Cambre m’ont plongé dans l’univers du Bauhaus et de l’Art Déco. De ce fait, l’univers d’Urbicande avec ses références à l’Exposition des Arts Décoratifs de Paris de 1925 ne pouvait que m’attirer. De plus, mon travail personnel est très construit, très carré. Le cube dans l’album, le carré chez moi: la boucle est bouclée.
JP: Pouvez-vous décrire votre collection?
PS: Elle se divise en deux parties. D’une part, les images et objets que je possédais, ainsi que celles et ceux que j’ai acquis depuis 2019, comme des affiches, des sérigraphies, des digigraphies, des ex-libris et des albums en langues étrangères. D’autre part, je m’attelle depuis 2019 également à la conception des Archives d’Urbicande, c’est-à-dire que je m’efforce de répertorier tout ce que je peux trouver en rapport avec l’album. Actuellement, ces archives comprennent plus de 600 pages réparties en cinq volumes.

JP: Avez-vous un objet préféré?
PS: J’ai trois objets préférés. Ils m’ont été offerts par François Schuiten: le Service Urbicande; les trois sérigraphies de la Biennale de Venise de 1986; et enfin le crayonné de l’affiche de l’exposition que j’ai reçu tout dernièrement.
JP: Qu’est-ce qui vous a décidé à monter cette exposition?
PS: Lors du vernissage de l’exposition Plagiat! à la galerie Champaka en avril 2023, j’avais amené avec moi le premier volume des Archives d’Urbicande que je voulais offrir à François. Laurent Durieux, qui était présent, m’a demandé pour pouvoir feuilleter ce volume et m’a ensuite soufflé l’idée d’exposer ma collection. Cette idée a fait son chemin et quelques temps plus tard, j’ai pris contact avec les auteurs pour leur proposer de monter l’exposition en 2025, pour les 40 ans de l’album et les 40 ans de l’Alfred du meilleur album à Angoulême. À mon grand étonnement, ils ont accepté ma proposition et m’ont encouragé à la réaliser.


JP: À quoi peut-on s’attendre lors de l’exposition?
PS: Elle présente plus de 200 pièces, comprenant notamment plus de 60 originaux, des projets, des crayonnés en couleur, de même qu’un panel de 19 planches de l’album prêtées par les auteurs et différents collectionneurs. Les visiteurs pourront également découvrir une nouvelle mise en scène du bureau de l’urbatecte Robick avec le mannequin réalisé pour l’exposition Le Musée des Ombres en 1990. Ajoutons aussi toutes les images tirées de l’album et bien plus encore…


JP: Pourquoi devrions-nous tous la visiter?
PS: Une grande partie des originaux présentés font depuis quelque temps partie de la Fondation Schuiten et ne seront que très rarement présentés au public. D’autres sont aussi présentés ici pour la première fois, ou sont issus de collections privées peu accessibles au grand public. Pouvoir rassembler autant d’éléments se rapportant à un seul album est exceptionnel et rarissime, d’où l’intérêt d’absolument visiter cette exposition.

JP: Un dernier mot?
PS: Oui, je suis toujours à la recherche d’images pour ma collection Urbicande. Faites donc partie du Réseau, et s’il vous plaît, aidez-moi! J’anticipe déjà le plaisir de rencontrer de nombreux ‘obscurantistes’ du 17 avril au premier juin au Centre d’Art de Rouge-Cloître à Bruxelles, tout en leur souhaitant la bienvenue.

Urbicande, L’enquête sans fin
Centre d’Art de Rouge-Cloître
Rue du Rouge-Cloître 4, 1160 Auderghem-Bruxelles
Du 18 avril au premier juin 2025
Du mercredi au dimanche de 13 à 17h
http://www.rouge-cloitre.be/fr/evenements/urbicande-l-enquete-sans-fin.html
https://www.altaplana.be/fr/start