Labyrinth


Vue d’ensemble © les auteurs

Les expositions organisées par La Maison de l’image chez Seed Factory continuent de surprendre, même après plus de vingt années de présence continue et une cinquantaine d’expositions souvent remarquées. La dernière en date est dédiée au labyrinthe, elle étonne par sa diversité, et l’agréable surprise de voir tant d’images inattendues. Presque toutes sont des créations originales conçues en vue de cette exposition. Il faut dire que le labyrinthe est une des figures fondamentales qui hantent l’imagination humaine depuis la nuit des temps et en tous lieux. Et qu’elle peut se lire à partir des multiples points de vue qui forgent la complexité de l’esprit humain.

Lukas Verstraete © l’auteur

Il y en a une bonne centaine d’artistes présents aux cimaises. Chacun, selon son inclinaison graphique et sa personnalité, a développé l’un ou l’autre aspect du labyrinthe. Ce serait faire injure à l’ensemble de ces créateurs que d’en extraire l’un ou l’autre, tant la qualité globale est tout simplement superbe. Il faut déguster ces images in situ si l’on souhaite jouir des pleins formats, chacune de ces présentations étant souvent un petit chef-d’oeuvre à décrypter de tout près, puisque le labyrinthe est une figure complexe qui permet la minutie du détail.

Guy Billout © l’auteur

La figure du labyrinthe est une des plus fortes jamais enfantées par l’humanité. Lui serait-elle consubstantielle? On la trouve en effet depuis l’apparition des premiers humains, en tous lieux de la planète, de toutes les époques, quelle que soit la culture. Elle anime des lieux d’amusement les plus terre à terre, par exemple les palais des glaces qui égaient les foires ou les parcs d’attractions contemporains où se pressent les foules, les labyrinthes végétaux qui sont peut-être la variété de labyrinthe la plus répandue et la plus connue du grand public, aussi bien que dans les rares lieux séculaires dédiés aux plus hautes des expériences spirituelles et philosophiques, voire aux probabilités mathématiques.

David Booth © l’auteur

Laissons aux spécialistes le soin de distinguer le labyrinthe unicursal du labyrinthe bicursal, du labyrinthe rhizome qui change constamment de forme, du labyrinthe maniériste apprécié des grammairiens et des informaticiens. Pour notre part, retenons que, aujourd’hui, en nos contrées, le labyrinthe semble privilégier le sens de l’enfermement dont on cherche la sortie. L’état de notre organisation sociale favorise-t-elle cette interprétation? Il est tentant de le penser, au regard du nombre élevé d’images qui racontent une expérience liée à la claustrophobie ou à l’aveuglement. Beaucoup présentent un ciel ouvert, ce qui selon la légende a permis à Icare de pouvoir s’évader du piège mortel. Une sortie par le haut en quelque sorte. Il n’en a pas toujours été ainsi, car au plus profond des grottes préhistoriques de nos pays, loin de l’entrée et sans torche électrique ni aucun moyen connu d’y retrouver leur chemin, dans le noir sépulcral des entrailles terrestres, les humains ont créé d’immenses chefs d’oeuvre au cœur du labyrinthe rocheux.

Johnny Bekaert © l’auteur

Par son principe, le labyrinthe organise l’enchevêtrement le plus complexe dans l’étendue spatiale la plus réduite, la plupart des chemins étant des culs-de-sac, sauf un. Le labyrinthe est donc un parcours aux échecs multiples pour une seule réussite possible. Dans ce cas, le chemin se compare à un voyage initiatique, spirituel, qui disqualifie celles et ceux qui ne présentent pas les qualités requises pour y parvenir. Tel est le sens symbolique des labyrinthes dont le but est d’atteindre son centre. Plus l’épreuve est difficile, et plus l’adepte se transforme. Voilà pourquoi on les trouve à même le sol de nombreuses cathédrales, et pourquoi il régit les mandalas et leurs intenses activités de méditation.

Mikhail Zlatkovsy © l’auteur

Le labyrinthe est un espace clos dont il est difficile de trouver l’issue. Il faut y avoir pénétré au moins une fois dans sa vie pour se souvenir de l’épreuve physique et mentale. Car une chose est de contempler une image de labyrinthe, fût-elle complexe, devant soi, avec ses yeux, à plat, dans sa totalité, ce qui implique la distance; une autre est de se trouver physiquement immergé dans un tel dédale. Là, la vision corporelle s’arrête où l’oeil se pose, c’est-à-dire pas beaucoup plus loin que les parois toutes pareilles. Une série d’informations vitales manquent, à partir desquelles nous différencions les choses, ce qui permet d’avancer dans la vie. Le regard, qui chez l’humain domine les autres sens, devient quasi inutile. La cécité guette, voire la paralysie et l’impuissance comme le montrent quelques images de l’exposition. Si encore le toucher, le goût, l’ouïe, l’odorat, la perception de la chaleur pouvaient aider! Mais non… Le corps se trouve démuni, désemparé.

Francis De Maet © l’auteur

La fascination du labyrinthe repose sur une organisation qui mêle la spirale à la tresse. La spirale parce qu’une partie de sa courbure semble s’approcher d’un point fixe, tandis que l’autre extrémité semble s’en éloigner. Il s’en dégage l’impression d’un devenir qui n’aboutit jamais. Quant à la tresse, motif qui se replie indéfiniment sur lui-même, elle suggère au contraire le retour constant. Entre le mythe de l’éternel devenir et celui de l’éternel retour que présente un labyrinthe, le cerveau humain ne peut choisir. Imprégné de ces schèmes graphiques immémoriaux, hypnotisé comme le serpent, il balance de l’un à l’autre à la pleine vitesse de ses neurones contemporains.

Labyrinth, une exposition différente, à savourer, et gratuite. Un exemplaire du catalogue de 96 pages et reprenant la totalité des oeuvres exposées, impeccablement mis en page et imprimé, est offert à chaque personne présente au vernissage, le jeudi 13 octobre dès 19.30 heures.

Tom Schamp, Otto, Calypso now! © l’auteur

Fabrice Praeger © l’auteur

Labyrinth
La Maison de l’Image / Seed Factory
avenue des Volontaires 19 (métro Pétillon)
1160 Bruxelles-Auderghem
Du 14 octobre au 22 décembre 2022
Lundi à vendredi de 9 à 18 heures
Fermé samedi et dimanche ainsi que les jours de congés légaux
Entrée gratuite
www.seedfactory.be


4 réponses à “Labyrinth”

  1. Le labyrinthe est au COEUR de la création.

    Philosophique : on ne sait pas d’où viennent les idées, comment elles évoluent, se transforment, s’expriment comment elles sont comprises par les autres.

    Artistique: les créateurs savent-ils d’où viennent leur inspiration, leurs envies de s’exprimer par pulsion, désir, recherche bute, instinctive, assouvissement personnel, amour de la forme, des couleurs, des volumes, et pourquoi tel art plutôt qu’un autre, quelle est l’influence de l’extérieur sur les expressions externes? Des milliards de neurones qui « explosent » pour créer des croûtes ou des chefs d’oeuvre: peu importe, et qui décèlera la différence entre les deux? La labyrinthe est un volcan qui nous envoie partout et nul part.

    Physiologique: le corps humain, comme celui de chaque animal, ( que nous sommes tous) est un labyrinthe aussi en ébullition. Chaque cellule indique une direction, mais l’ensemble se pense-t-il lui-même? Qui est le cerveau qui dirige tout, à la base? A-t-il un sens, une direction, ou ce désordre est-il un ordre caché, illisible? « Dieu » ou le hasard ou les deux à la fois? L’embryon est un labyrinthe primaire, une machine, un cerveau en développement où toutes les portes s’ouvrent à chaque millième de seconde sous une pression artérielle. Personne ne sait dans quel sens cela filera. Mais à la sortie, c’est une machine d’une précision hallucinante, où tout est déjà programmé pour la vie, pour des décennies jusqu’au déclin. Impossible de trouver le chemin de A à Z. Pourtant, il va vers quelque part, et cela dès la conception.

    Sportif: Si l’on dessine les aller et venues des passes géniales d’une rencontre de foot jouées par des magiciens du pied, on verrait un labyrinthe d’une subtilité quasiment jouissive!

    Sexuelle: l’image de l’homme dont le fil conducteur part de son cerveau pour aller au chemin le plus court de sa tête au bout de sa bite à face à la femme d’une complexité indéchiffrable est absolument géniale, car sans doute la plus vraie la plus objective, la plus réaliste !!

    Psychologique: le chemin déroutant, inexplicable, tortueux, surprenant, ambigu, intriguant, qui à sa sortie expulse un homme généreux ou la pire crapule, un père de famille tranquille ou une racaille agressive, un doux démocrate ou un dictateur est labyrinthe qui contient potentiellement toutes les hypothèses, des mécanismes qui se frôlent. Le résultat à l’arrivée est-il voulu ou subi? Cela pose la question ultra dérangeante de la culpabilité. Etre juré dans une cour d’assises, c’est parcourir ce labyrinthe!

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