Les Amis de Hergé, réunion annuelle 2025


Le premier mars prochain, plusieurs centaines d’Amis de Hergé se réuniront pour leur retrouvaille annuelle très attendue. Cette manifestation, qui dure une journée et qui est ouverte à tous, comporte plusieurs volets. Une exposition présente des pièces rares, tandis que la bourse de collection est exclusivement réservée à Hergé. L’après-midi, les Amis de Hergé reçoivent des témoins de la carrière de Hergé, ou des auteurs d’ouvrages qui lui sont consacrés. Cette année, certains parmi les meilleurs tintinologues seront présents, avec — entre autres — Philippe Goddin, Benoît Peeters, Pierre Fresnault-Deruelle, Albert Algoud, Jacques Langlois, François Rivière, Jean-Claude Jouret. Le soir, les auteurs présents se livrent à une séance de dédicaces, jusqu’à l’heure du repas qui réunit habituellement près de deux cents convives.

Hergé, Le Musée Imaginaire de Tintin, 1979 © Archives du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

Une carte blanche signée Philippe Goddin

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Il y a déjà de longues années que j’ai trouvé amusant de m’attribuer le titre d’’hergéologue’, ce qui se passe d’explications! Fanny Rodwell a validé le mot en le reprenant dans la préface du tome 1 de la collection Hergé – Chronologie d’une œuvre. Comme on s’en doute, l’hergéologie laisse pas mal de traces. Il faut nécessairement en accumuler si l’on veut en tirer parti puis les offrir en partage. De récents soucis de santé m’ont incité à réfléchir à l’aventure vécue depuis ma première rencontre avec Hergé. À me pencher aussi sur le sort de mes archives au terme de ces cinquante années d’admiration et de passion, de recherches et de réflexion, d’intuition et de travail.

De partage également, puisque la publication de chacun de mes ouvrages fut une façon de communiquer à d’autres passionnés tout ce que je découvrais. J’ai eu de la chance dans mon parcours. Lorsque Fanny Remi m’a proposé d’exercer des responsabilités au sein de la Fondation Hergé, où j’ai passé dix ans, j’ai pu, à juste raison, susciter un peu d’envie. En quelques années, j’avais pu réunir une collection complète du Petit Vingtième, du Journal Tintin, du Soir et du Soir Jeunesse, ainsi que de bien d’autres publications, dont certaines rarissimes. Depuis 1973 (l’année où j’ai commencé à correspondre avec Hergé et où il a fait ses premiers cadeaux au professeur de dessin que j’étais), je n’ai eu de cesse de collecter un maximum d’informations sur cette œuvre qui, un demi-siècle plus tard, n’en a toujours pas fini de me fasciner. Et sur son auteur. J’avais déjà entrepris de réunir les journaux et hebdomadaires qui avaient publié ses dessins. À l’occasion d’un travail sur Paul Cuvelier, j’avais noué des relations avec Casterman, qui m’ont permis d’accéder à la correspondance entre le créateur de Tintin et son éditeur. Les Éditions du Lombard m’ont communiqué une partie de la correspondance d’Hergé. C’est Hergé lui-même qui m’a informé de la publication prochaine [sic] des Entretiens qu’il avait accordés à Numa Sadoul, et c’est ce dernier qui, par la suite, m’a offert, avec une partie de ses propres archives, la version originale de ces entretiens, de même qu’une copie de ses cassettes audio.

Hergé, Le Musée Imaginaire de Tintin, 1979 © Archives du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles

Entreprendre l’archivage de sources aussi variées sur un créateur de la trempe d’Hergé est un travail colossal, qui prend pas mal de place, qui m’aura demandé une attention constante, beaucoup de temps et bien des efforts. Parfois même des sacrifices. De l’argent investi aussi, comme on peut s’en douter, dans certains cas… Ces cinquante années d’attention désintéressée pour Hergé m’ont mené à accumuler, en plus d’une documentation sur l’artiste probablement sans égale de par le monde, des collections considérables. Tout comme Hergé a pu le dire lui-même à propos de sa vie avec Tintin, je puis affirmer au soir de la mienne que j’aurai consacré le plus clair de mon temps et le meilleur de moi-même non pas à profiter d’une ‘mine d’or’, mais à promouvoir la création d’Hergé, sans esprit de lucre. Bien que tenu en quarantaine depuis la publication de Hergé, Tintin et les Américains, en 2020, j’ai continué à concevoir de nombreux nouveaux projets d’ouvrages, dont j’ai fait état lors de la dernière journée des Amis de Hergé, à Nivelles : Les Coulisses d’une œuvre, Tintin de A à Z, Tintin et le Signe de Kih-Oskh, Tintin et les Fils du Dragon, La Course au Calystène, Hergé et l’obscure affaire du Thermozéro ainsi qu’une collection intitulée La Doc ad hoc d’Hergé, ont été élaborés et menés à bien, iconographie comprise. Je veux croire qu’à défaut d’être publiés, ils seront accessibles un jour à mes lecteurs par le biais des archives que j’ai l’intention de léguer à la Belgique.

À quatre-vingts ans passés, fatigué de lutter contre ‘l’adversité’, j’en suis en effet arrivé au stade où il faut organiser ma succession. Incidemment, parce que l’œuvre d’Hergé est un élément essentiel du patrimoine belge, je n’ai jamais compris comment une institution dont l’objet même serait de ‘défendre et promouvoir’ ce patrimoine, persiste à considérer que les archives d’Hergé sont ‘privées’, justifiant par là le refus de les ouvrir aux chercheurs ou aux auteurs de projets éditoriaux ambitieux.

Les Amis de Hergé, cover du numéro 78 © ADH / Tintinimaginatio

Pour ma part, c’est clair: je souhaite que ‘mes’ archives et une partie de mes collections soient préservées, et qu’elles servent à mes successeurs, voire à mes ‘émules’. Je songe sérieusement, dès lors, à les léguer à qui se déclarera intéressé par la conservation de ce fonds et sera disposé à en gérer la consultation… à mes conditions. Dans cette perspective, je n’ai que l’embarras du choix, tant en Belgique — la Bibliothèque royale, le Fonds Saint- Boniface, l’Institut royal du Patrimoine artistique, le Centre Historique Belge du Scoutisme, les Archives générales du Royaume, les Archives du Monde Catholique, l’Association Les Amis de Hergé, le Centre Belge de la Bande Dessinée (devenu le Musée de la Bande Dessinée), la Fondation Hergé ‘nouvelle version’, la Fondation Roi Baudouin — qu’à l’étranger — la Bibliothèque nationale de France, le Centre National de la Bande Dessinée et de l’Image…

Mais qu’il soit bien clair pour chacun que je n’ai pas ‘pillé’ les archives de la Fondation Hergé pour constituer mon ‘matériel de travail’! Les archives de mon employeur, je les ai au contraire considérablement enrichies au cours de ma ‘carrière’. Dès 1988, à la demande de Fanny Remi, je les avais photocopiées, complétées et réorganisées pour permettre leur utilisation, notamment en imaginant des ouvrages comme Comment naît une bande dessinée – Par-dessus l’épaule d’Hergé ou Hergé et les Bigotudos. Par la suite, j’ai découvert dans d’autres fonds d’archives ou chez d’aimables particuliers, comme Germaine Kieckens, Guy Dessicy, Gérard Valet et Henri Roanne, Raymond Leblanc, Georges Remi Junior, les familles Degand, De Launoit, Poulet, Gérard, Jamin, Alain Baran et jusqu’à Fanny, une grande quantité de lettres et documents autographes, de photos, de dessins oubliés ou méconnus, forcément inédits. De sorte que Moulinsart (aujourd’hui Tintinimaginatio), les éditions Casterman et le Musée Hergé me doivent infiniment plus que ce que je leur devrais!

Merci qui ?

Les Amis de Hergé, invitation à l’annuelle 2025 © ADH / Tintinimaginatio

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