Phil van Duynen, rétrospective


Le mot de l’auteur

‘J’ai démarré dans le métier en tant qu’illustrateur, à ma sortie de La Cambre en 1985. A l’époque, je peignais aussi de grands formats à l’acrylique. Une exposition était prévue, mais je me suis rétracté, car pour moi, le médium était devenu obsolète. Et je n’ai plus peint depuis. Mais je n’ai jamais arrêté de travailler l’image, sous toutes ses formes. J’ai certainement réalisé plusieurs milliers d’images, mais les seules visibles sont des travaux publicitaires. La photo, je l’ai toujours pratiquée, mais en amateur, pour éviter toute confusion avec mon travail d’art director. Jusqu’au jour où j’ai ramené une série photo du sud-ouest américain qui a enthousiasmé le Fotomuseum d’Anvers, et fait l’objet d’une expo en 2008’.

Phil van Duynen, Preliminary sketches for digital or painting works, 2020 © Phil van Duynen

‘Une rétrospective, ce n’est pas toujours bon signe. Mais un coup d’œil dans le rétro, ça ne peut pas faire de tort, et ça n’empêche pas de regarder vers l’avant. En plus, ça peut sauver la vie ! Et quand j’ai regardé s’étaler sur la route les instantanés qui ont marqué mon parcours, j’ai vu une quantité indigeste de mélange commercial et artistique, pictural et numérique. Ceci dit, pour moi il n’y a que peu de différence entre disciplines. Les objectifs diffèrent mais le processus est identique. Après tout, c’est le même œil et la même main. Ou le même cerveau dérangé. Au centre il y a l’humain, omniprésent, en quête de survie. Une espèce complexe du règne animal approchant doucement son seuil d’incompétence. Il y a 50 ans, l’art et la science nous faisaient avancer, 25 ans plus tard l’informatique nous a libérés, puis le net nous a réveillés, les réseaux nous ont conditionnés, et aujourd’hui l’I.A. a le pouvoir de nous asservir totalement, et sans doute définitivement. La bonne nouvelle, c’est qu’on trouvera toujours une solution, même mauvaise. Elle est pas belle, la vie?’

Phil van Duynen, Digital drawing/painting, sans date © Phil van Duynen

Le mot de Michel Michiels

‘En 2002 j’avais invité Phil pour une grande exposition qu’il avait scénographié à la perfection. Plus de deux décennies ont passé, le temps est venu d’une indispensable rétrospective que la Maison de l’Image pouvait permettre puisqu’elle prétend montrer toutes les facettes de l’artiste y compris la pub. Dans une œuvre déjà immense et cependant homogène, mon coup de cœur va à une récente galerie de mutants. Par la magie du digital qui est pour Phil une seconde nature, il réinvente la typologie humaine, il crée une humanité étrange en grand format, fantasque et inquiétante mais ineffable. Elle nous saute au visage par l’impact de l’épure et la précision chirurgicale de la mise en œuvre. Une œuvre en même temps redoutable, et drolatique. Des images toujours intenses, surprenantes et troublantes et pourtant jamais excessives. On ne peut être qu’hypnotisé par ces humanoïdes sublimés, d’une actualité confondante si éloignés de nous sans être vraiment déraisonnables.

Phil van Duynen, Beheaded David (living still life), 2022 © Phil van Duynen

Techniquement, Phil assemble des personnages fragmentés dont les éléments composites proviennent, par le filtre du digital, de sources diverses recréant un mutant silencieux. Notre léger malaise devant ces portraits insolites est tempéré par la compassion que l’on ressent chez leur créateur. Et finalement n’est-ce pas ce qu’il cherche? Plus récemment Phil est revenu à la peinture par goût de l’œuvre unique et la vitesse de l’acrylique. Mais Phil est aussi un immense directeur de création. D’abord destiné à une carrière de pianiste et de compositeur — doué — Phil assouvit son obsession de l’image en devenant le « créatif » que l’on connaît.

Phil van Duynen, Martin’s pale ale (Gordon’s), United Kingdoms of beer, 2008 © Phil van Duynen

A la fin du 20e siècle, une catégorie de directeurs de création comme Peter Knapp, Art Spiegelman ou Jean-Paul Goude ont bouleversé notre paysage visuel. Phil est de cette trempe. Il bouleverse les codes de l’image et marque de son empreinte les agences qui le veulent pour vendre son talent. A l‘époque où la pub est une activité honorable, il fait le bonheur de ces agences, mais il pense aussi à faire le sien en créant épisodiquement ses propres structures comme Prophil, X génération ou Ad-opt, où il peut hisser la créativité à la base du modèle (Ad-opt est élue Agence Design de l’année en 2013). C’est le temps des grands créateurs qui prennent le lead dans le monde des agences, toutes en perte de repères. Parmi les marques qu’il aura la charge de sublimer il y a Perrier, Swatch, Pias, Tom&Co, Fnac, Boghossian, Exit, Martin’s, Veuve Clicquot LVMH, NRJ radio…’.

Phil van Duynen, Step out confusion, 2006 © Phil van Duynen

Phil van Duynen, rétrospective
La Maison de l’Image / Seed Factory
19 avenue des Volontaires, 1160 Bruxelles
Métro Pétillon
Du 18.10 au 27.12.2024
Tous les jours ouvrables, aux heures de bureau de 10 à 17h
Fermé samedi et dimanche ainsi que les jours de congés légaux
www.seedfactory.be

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