Verso: histoires d’envers


Publication rédigée selon le dossier de presse

L’exposition Verso: histoires d’envers au Kunstmuseum de Bâle rend visible ce que cache l’envers de quelques tableaux exécutés entre le 14e et le 18e siècle. Des cadres conçus spécialement pour cette présentation permettent d’observer, de manière inédite, le recto et le verso de 36 œuvres d’art de la collection du musée. Verso: histoires d’envers dévoile au public ce qui est habituellement réservé au regard du personnel scientifique du musée, révélant les contextes et les fonctions d’usage de ces peintures. L’exposition permet ainsi d’aborder sous un angle nouveau des œuvres d’art bien connues.

Lucas Cranach. Verso, Peinture noire avec armoiries d’alliance collées sur papier. Recto, Portrait de Jean Frédéric le Magnanime, électeur de Saxe, 1553 © Kunstmuseum Basel. Photo Julian Salinas

Jalonné d’une multitude d’observations, le parcours se déploie en huit chapitres répartis dans les salles d’exposition du niveau inférieur du Kunstmuseum Basel / Neubau. La plupart des œuvres du musée peintes recto-verso étant à l’origine des volets de retables catholiques, deux exemples du 16e siècle intégralement conservés permettent d’abord d’expliquer la raison d’être de ce mobilier liturgique utilisé durant les offices religieux.

Maître anversois du 16e siècle, Triptyque de L’Adoration des Mages, ouvert © Kunstmuseum Basel
Maître anversois du 16e siècle, Triptyque de L’Adoration des Mages, fermé © Kunstmuseum Basel

L’exposition se penche ensuite sur l’un des thèmes majeurs du tableau d’autel: les saints de l’Église catholique et les différentes manières de les représenter. Elle montre également certains artifices remarquables employés lors de la conception de volets d’autel. Ainsi, un volet émanant de l’atelier de l’artiste Konrad Witz présentant une caisse peinte sur sa face externe indique qu’une telle structure se trouvait de fait derrière le volet en position fermée. Un volet d’autel destiné à accueillir des reliefs, aujourd’hui perdus, illustre le rapport entre peinture et sculpture au sein du retable. Par la suite, différents types de peinture décorative sont présentés, allant d’un revers orné d’arabesques, en passant par d’autres créant l’illusion de plaques en pierre au moyen de marbrures, jusqu’à des revers décorés de motifs formés à partir de lettres.

Maître du culte de von Groote, Marbrures du retable (fermé) figurant La Fuite en Égypte, 1519 © Kunstmuseum Basel. Photo Julian Salinas

Vue générale de l’exposition, avec La Fuite en Égypte à droite © Kunstmuseum Basel. Photo Julian Salinas

Il était également fréquent de peindre un portrait des deux côtés. Dans ce cas, le verso se prêtait généralement à la pose d’armoiries qui permettaient d’identifier la personne représentée. Une autre section de l’exposition est ainsi consacrée à l’art héraldique — la science du blason — aujourd’hui délaissé. Pour les exemples cités jusqu’ici, les peintures sur les faces avant et arrière des œuvres furent exécutées en même temps. Cependant, il n’est pas rare d’observer qu’un revers a été peint ultérieurement ou qu’une autre peinture s’est substituée à celle d’origine.

Maître hollandais du 15e siècle, Le repas de la Pâque, panneau extérieur, répétition d’étoiles et du monogramme ‘IM’ [Jésus/Marie] en or sur fond rouge, 1450-1500 © Kunstmuseum Basel. Photo Martin P. Bühler

Parmi les quatre exemples provenant des fonds de la collection, le double portrait en deux parties du maire de Bâle, Jacob Meyer et de son épouse, constitue le cas le plus spectaculaire et instructif. Dans cette composition de Hans Holbein le Jeune qu’il a lui-même datée de 1516, la perspective du tableau n’est visible que si les deux panneaux sont disposés côte à côte — par exemple à l’intérieur d’un cadre unique et rigide doté d’une baguette centrale. Quatre ans plus tard, Jacob Meyer a toutefois fait poser ses armoiries sur l’envers du tableau par un autre peintre et les a même fait dater à part. À cette époque, les deux panneaux devaient être joints de manière articulée: en position repliée, la face présentant les armes aurait indiqué ce qui se cachait derrière, telle la couverture d’un livre munie d’un titre.

Hans Holbein, Double portrait de Jacob Meyer zum Hasen et de son épouse Dorothea Kannengiesser, panneaux intérieurs, 1550-70 © Kunstmuseum Basel / Museum Faesch
Hans Holbein, Double portrait de Jacob Meyer zum Hasen et de son épouse Dorothea Kannengiesser, panneaux extérieurs, Armoiries de Jacob Meyer sur fond rouge, 1550-70 © Kunstmuseum Basel / Museum Faesch

Concevoir artistiquement le revers d’un tableau ne signifie pas nécessairement le peindre: une inscription peut également modifier la valeur d’une œuvre. Le portrait d’un maître hollandais inconnu dont l’envers présente une inscription ajoutée ultérieurement en constitue un exemple. Le sujet représenté, prétendument un noble dénommé Johann von Bruck, a fui les Pays-Bas et s’est installé à Bâle en 1544, en raison de persécutions liées à sa foi. Ce n’est que deux ans après sa mort, en 1556, qu’on découvrit sa véritable identité: il s’agissait de l’hérétique David Joris, anabaptiste et meneur de groupe, longtemps recherché, mais en vain, dans le Saint-Empire romain germanique. Après les révélations posthumes sur la double vie de von Bruck/Joris, le Conseil de la Ville de Bâle fait confisquer son portrait en 1559 et le transforme en un mémorial au travers de l’inscription. Celle-ci contient même le rapport du procès posthume pour hérésie au cours duquel le cadavre de Joris fut exhumé et jeté sur un bûcher.

Auteur inconnu, Rapport du procès posthume pour hérésie de David Joris, peint sur le portrait initial, 1540-45 © Kunstmuseum Basel. Photo Martin P. Bühler

L’exposition s’achève sur trois cas particuliers où les artistes explorent le rapport entre les faces avant et arrière d’une œuvre:

Au début du 18e siècle, le peintre de nature morte Pieter Snyers se sert de la matrice d’une gravure sur cuivre comme support. Âgée de cent ans, la plaque est abîmée, ainsi il n’est plus possible d’en tirer des impressions. Toutefois, la surface lisse de son envers se prête merveilleusement à la délicate peinture de Snyers.

Pieter Snyers. Recto, Nature morte aux primevères et aux légumes © Kunstmuseum Basel. Photo Max Ehrengruber
Pieter Snyers. Verso, Danse autour du veau d’or © Kunstmuseum Basel. Photo Max Ehrengruber

En 1516, les frères Ambrosius et Hans Holbein le Jeune réalisent une fausse enseigne de boutique dont l’apparence suggère qu’elle devait être accrochée devant la demeure d’un maître d’apprentissage. En réalité, il s’agit autant d’une farce bourgeoise intellectuelle que d’un cadeau d’adieu pour leur ami et enseignant Oswald Geisshüsler, dit Myconius.

Hans Holbein, Le Maître d’école pour adultes, 1516 © Kunstmuseum Basel. Photo Martin P. Bühler

Enfin, en 1517, Niklaus Manuel Deutsch crée un trompe-l’œil: son fin tableau a l’apparence d’un dessin en clair-obscur sur papier coloré, caractéristique de cette époque. À la manière d’un dessinateur utilisant souvent les deux côtés de la feuille, le peintre a également muni la face arrière d’une représentation encore plus spectaculaire que celle de la face avant.

Niklaus Manuel Deutsch. Recto, Bethsabée au bain. Verso, La mort déguisée en soldat étreint une jeune femme, 1517 © Kunstmuseum Basel. Photo Martin P. Bühler

Verso: histoires d’envers réunit des œuvres de Hans Baldung dit Grien, Hans Block l’Ancien, Jacob Cornelisz van Oostsanen, Lucas Cranach l’Ancien, Hans Fries, Hans Holbein le Jeune, Ambrosius Holbein, Wolfgang Katzheimer l’Ancien, Niklaus Manuel dit Deutsch, Hans Pleydenwurff, Jan Polack, Pieter Snyers, Tobias Stimmer, Konrad Witz et d’autres artistes de la collection du Kunstmuseum Basel.

Vue générale de l’exposition © Kunstmuseum Basel. Photo Julian Salinas

Verso: histoires d’envers
Kunstmuseum Basel / Neubau
St. Alban-Graben 8, CH – 4010 Basel
Du 01.02.2025 au 04.02.2026
Du mardi au dimanche de 10 à 18h
Le mercredi jusqu’à 20h
info@kunstmuseumbasel.ch
https://kunstmuseumbasel.ch/fr/visite/préparez-votre-visite

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Une réponse à “Verso: histoires d’envers”

  1. A la suite de tous les noms prestigieux présentés, nous pouvons ajouter le nom de l’artiste de Bande dessinée, FRANK PE, qui a également réalisé des tableaux magnifiques recto-verso! Présentés au Château d’Emines les 2 et 3 octobre 2010. L’ami René Follet était présent au vernissage. J’envoie 7 photos à Vincent Baudoux, JP Verheylewegen

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